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Tactiques et stratégies lors d'un shiai de kendô

Publié le par Jean-Pierre LABRU

Tactiques et stratégies lors d'un shiai de kendô

Un petit post qui j'espère donnera quelques éclairages à nos compétiteurs dans leur préparation pour les championnats du Monde de Tokyo

Tout d'abord, histoire de planter le décor, je voulais vous livrer un texte de INOUE Sensei. Il ne faut pas généraliser non plus, et surtout en France et en Europe, nous n'en sommes encore pas là même si quelques légers signes peuvent se faire sentir ici et là.

 

"Avertissement" de INOUE Yoshihiko sensei en 2007

 

"Comme cela l’a été formulé dans un ouvrage traitant des concepts du kendo, le kendo se pratique en accord avec les principes du sabre. Toutefois, ces derniers temps, les objectifs d’entraînement au kendo se sont focalisés davantage sur la compétition et la victoire. Voilà qui revient à passer à côté de ce qu’est le kendo, et ce à bien des égards. L’objectif ultime du kendo repose sur le développement de soi. C’est non seulement vrai pour le kendo, mais aussi pour tous les budo dont l’essence repose sur la concomittance du développement personnel et la maîtrise de la technique. Toute disicpline avec le suffice Do implique une voie, un cheminement: le développement du corps et de l’esprit en communion avec des techniques. Si la technique devient l’unique objectif d’un pratiquant afin d’atteindre la victoire en compétition à tel enseigne que la technique elle-même s’en trouve altérée pour prendre le dessus, cela revient à étouffer des parties importantes du développement de soi et concourt à favoriser un comportement égotique. Ceci est contraire à l’objectif principal du kendo.

Bien sûr, c’est important d’être motivé pour gagner une compétition. Toutefois, l’idéal est de vaincre d’une façon qui s’accorde avec les principes du sabre, tels qu’ils se traduisent dans les kata de kendo. Si l’on ne l’emporte pas de cette façon, il ne peut s’agir d’une victoire légitime en kendo. Ainsi, le kata de kendo doit occuper une place primordiale même aux yeux de ceux qui ne s’attachent qu’à l’aspect compétition du kendo."

Une définition du mot "shiai"

On m'a donné un jour, comme une définition littérale du mot shiai, la signification suivante : le shiai c'est un test en conditions réelles des techniques apprises à l'entrainement.

Si quelques linguistes veulent bien nous aiguiller...

 

Stratégie et tactique

Les shiaïs du dernier Open de France ont confirmé mon opinion concernant la nécessité de stratégie et de tactique lors d'un combat de Kendô.

Commençons donc par les significations :

 

Stratégie : "Art d'organiser et de conduire un ensemble d'opérations militaires prévisionnelles et de coordonner l'action des forces armées sur le théâtre des opérations jusqu'au moment où elles sont en contact avec l'ennemi"

 

Tactique : "art de diriger une bataille, moyens employés pour réussir..."

 

Pour résumer une stratégie serait par exemple de choisir les combattants et l'ordre de l’équipe tandis que la tactique consisterait, pour chaque combattant, à faire les bons choix lors du combat.

 

Les outils du shiai

Ki o korosu, Ken o korosu, wasa o korosu

Ce sont les 3 seules manières de prendre l'ascendant sur l'adversaire dans un combat. On peut les prendre dans l'ordre que l'on veut, il n'y a pas de hiérarchie entre elles. J'ai choisi de les placer dans l'ordre chronologique dans lequel elles peuvent apparaître dans un combat.

Certaines traductions parlent de "tuer" (korosu) le ki, le ken et le wasa du partenaire.

 

Ki o korosu

Déjà à distance, lors du salut, la démarche, la prise de garde, le sonkyo et le premier kiai comme une mobilisation de soi même, une démobilisation du partenaire et une sensibilisation des arbitres. Le niveau de kiai (et non pas le niveau sonore) démontre de facto une capacité à faire. Quand on est habitué, rien que par le kiaï on peut savoir si l'un des deux a manifestement l'ascendant sur l'autre. Souvent les arbitres en tiennent compte dans leur jugement et, à tort ou à raison, cela les conforte comme une concrétisation de ce qu'ils avaient anticipé.

Le ki o korosu peut être aussi réalisé sur la durée par une démotivation du partenaire à la suite d'echecs successif de ses différentes tentatives...

 

Ken o Korosu

La prise de sabre du partenaire, sa neutralisation par toutes les techniques de prises de sabre, en passant par omoté (endroit) et ura (envers) :

osaete, haraï, uchi o toshi, suriotoshi, suriage, Makiage, makiotoshi...

Dans nito le ken o korosu est quasi obligatoire : le petit sabre "coinçant" le sabre du partenaire tandis qu'on abat notre grand sabre.

 

Wasa o korosu

La "gestion" de la technique du partenaire ou comment tirer parti des attaques du partenaire pour le vaincre. Principalement par des oojii wasa (contre attaques)...

Si l'on devine les attaques du partenaire, ou mieux encore, si on les provoque, les techniques de contre attaques en sont grandement facilitées.

Conclusion

A vous de travailler vos techniques à l'entrainement afin qu'elles soient opérationnelles en shiaï, utiliser tous les outils pour prendre l'avantage et faire votre le conseil suivant :

 

Pour une fois, je vais vous donner un conseil applicable immédiatement et valable pour tout combattant...

 

Il ne faut surtout pas commettre l'erreur de combattre pour les arbitres. On voit trop souvent les compétiteurs se retourner vers les arbitres après un très insuffisant waza ari, le plus souvent avec un kiai insistant du type : OOOO KOTEEE YAAA KOTEEEE OOOOOO. En tant qu'arbitre, dans le meilleur des cas, je trouve cela risible, dans le pire des cas, j'ai l'impression que le combattant ne respecte pas ma compétence d'arbitre ni mon esprit d'auto-décision. Et dans ce cas, je peux vous confier que je ne le vis pas très bien...

 

En conséquence, il convient de convaincre le partenaire d'avoir ramassé Ippon et c'est cela qui convaincra les arbitres.

 

Bonnes compétitions à tous !!!

 

 

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Le combat de Kendô est une discussion... animée !

Publié le par Jean-Pierre LABRU

Le combat de Kendô est une discussion... animée !

Par Jean-Pierre LABRU, renshi 7e dan de Kendô

Le combat comme une discussion

Depuis toujours dans mon enseignement, j'ai toujours comparé le combat de Kendô à une discussion lors de laquelle chacun cherche à faire valoir son point de vue, voire de convaincre.

Chacun possède des arguments, plus ou moins valables, plus ou moins pertinents. Et chacun est plus ou moins convaincu que ses arguments sont les bons. J'assimile ici les arguments aux intentions, aux idées à véhiculer.

Se préparer à discuter

Mais avant d'en arriver là, encore faut il savoir formaliser ses arguments et pour cela, depuis qu'on est né, on apprend à parler, à enrichir son vocabulaire afin, le jour donné, de trouver le mot juste, celui qui fait mouche...

La grammaire relie tout ça, mettant en pratique, et donnant aux idées une rythmique et un ordonnancement des mots et ainsi de la force à l'idée qu'on veut faire passer.

Lors de la discussion, quand les arguments adverses seront en passe de nous déstabiliser, il nous faudra toute notre force de caractère, forgée à l'école de la vie, pour donner à nos idées la chance d’exister et de prendre part au débat.

Désormais vous imaginez aisément le parallèle.

Le vocabulaire :

Les suburi et le kirigaeshi développent le maniement de l'arme et l'utilisation de son corps

La grammaire :

Les katas, les kihon et l'uchikomi geiko apportant l'à propos de l'utilisation de telle ou telle technique, le bon rythme, la gestion de l'espace-temps qu'est la distance (maaï) et ceci dans une quasi réelle condition d'utilisation.

La force de caractère, la volonté, la conviction :

Le kakarigeiko bien entendu, mais aussi l’ensemble des exercices proposés au Kendô à condition qu'ils soient réalisés avec intensité et dans un soucis d'amélioration constante. Et attention, l'un ne va pas sans l'autre !

Qui peut dire qu'il tient un aller retour une une seule inspiration lors de tous ses kirigaeshi de tous les entraînements de l'année ?

L'indépendance d'esprit :

Un sujet qui m'est cher et que je trouve un peu trop en option de nos jours... et de tous temps d'ailleurs !

J'aime beaucoup la citation suivante de Marc Aurèle dans "Pensées pour moi même" :

"Développe en toi l'indépendance à tout moment, avec bienveillance, simplicité et modestie."

L'application immédiate que je vois à ce principe est de ne pas se laisser influencer par le partenaire mais tout en prenant en compte tout le contexte et les forces en présence. Par exemple, votre partenaire vous montre si ostensiblement Koté que vous attaquez sincèrement mais au final très naïvement. Vous avez alors toutes les chances (ou plutôt les risques) de recevoir un superbe ojiiwasa (contre-attaque).

Je dirais, et cela peut étonner, que c'est le Kendo no kata qui peut apporter cet aspect. Je le démontrais encore samedi au Budo à l'entrainement.

Sachant à l'avance ce que le Shidachi va faire, combien d'entre nous n'attaquent pas réellement. Ils sont dépourvu soit de sincérité, soit, le plus souvent, d'indépendance d'esprit à ce moment précis; Cette capacité de ne pas laisser altérer sa technique par un élément extérieur.

La démonstration était en armure et je faisais faire le 5e kata Gohonme avec une frappe au shinai sur armure.

Etant en Shidachi et faisant semblant de réaliser le suriage, l'Uchidachi voyait son attaque de men de désagréger littéralement sans que je ne n'aie même effleuré son shinai.

On pourrait retrouver ces travers sur Ipponme et quasiment tous les autres mouvements des kata.

Selon moi, cette indépendance d'esprit, à tout instant, est la même qui fait qu'un arbitre donne son propre avis lors d'un ippon sans suivre l'avis des autres arbitres... à tort ou à raison d'ailleurs, mais c'est SON avis !

En conclusion

Sans cesse augmenter son vocabulaire, pratiquer la grammaire, travailler sa volonté tout en travaillant à chaque instant son indépendance d'esprit. Espérant toutefois en avoir convaincu certains, a minima, ce sont des "conseils pour moi même" !

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Le leitmotiv de l'amélioration continue en toute chose

Publié le par Jean-Pierre LABRU

Le leitmotiv de l'amélioration continue en toute chose
Par Jean-Pierre LABRU, renshi 7e dan de Kendô
Je me suis dit que sur ce sujet là, soit je restais très théorique et sans doute rébarbatif, soit j'en faisais la démonstration par l'exemple.

Le cobaye !

Vous l'avez compris j'ai choisi la deuxième solution. Et donc là, il fallait que je trouve quelqu'un comme un exemple de ce qu'il ne faut pas faire afin d'asseoir mon discours. Le sujet de l'article étant d'expliciter ce que cette personne doit améliorer encore et encore, et surtout comment.

Ne voulant pas me fâcher avec une personne de plus que ceux avec qui je ne le suis déjà ;^) , j'ai choisi l'autoflagellation positive, la critique incessante de moi même, la non satisfaction permanente de ce que je fais... en fait, je me suis choisi comme exemple.

Prenons donc comme support la photo ci dessus qui date du samedi 21 février 2015 lors du stage du Budo XI.

Je suis en train de démontrer kirigaeshi et plus particulièrement, sur cette photo, le premier grand Men. Et d'ailleurs, déjà lors de ce stage et de cet exercice, le ton était donné sur l'amélioration continue et permanente de chaque frappe de Kirigaeshi. La consigne : après chaque sa-yu men, s'arrêter une fraction de seconde et faire un bilan : tiens là mon shinaï a ripé, mon pied gauche est revenu en retard, j'étais en déséquilibre,... avec la détermination suivante : faire mieux lors de la prochaine frappe.

Prenons donc l'exemple de ce Men, le premier grand Men de Kirigaeshi :

  • Impact perfectible du shinaï sur le Men du partenaire : oui ! Etant donnée la partie en contact, on pourrait gagner au moins vingt bons centimètres et donc d'attaquer de plus loin
  • Un fumikomi (frappe du pied) perfectible : oui ! Afin d'être le moins possible soumis à la pensanteur, le pied qui frappe doit se soulever le moins possible. Ici, on ne le voit pas mais on le devine entre 30 et 40cm au dessus du sol.
  • Un déroulé du pied arrière perfectible : clairement oui ! Conformément à ce que disais dans mon post sur le déplacement, c'est d'ailleurs de cette photo dont je parlais, un pied qui déroule hypothèque son timing de retour à la position de kamae.
  • Une synchronisation ki ken et tai perfectible : oui peut être... La photo semble montrer un soucis dans la synchronisation du pied qui frappe le sol et du shinaï qui frappe le Men. Il faut rester prudent sur ce sujet, nous sommes devant une image arrêtée : difficile de juger. Mais on peut toujours améliorer son kikentai. :)

En fait, la réponse à la question, est-ce perfectible ? La réponse est toujours oui...

En donc, quoiqu'on fasse, quelque soit le geste, l'attitude, la technique que l'on réalise, il y a toujours moyen de progresser.

Auto questionnement permanent

Ci dessous, un petit brain storming de tout ce qui peut être amélioré à partir du moment où l'on entre sur le dojo. Il est bien évident que l'on peut s'améliorer dans tout ce que l'on fait même en dehors du dojo.

Avant même d'entrer sur le dojo, la façon de s'habiller. Mon Keikogi est il sans plis dans le dos ? le hakama est il à la bonne hauteur ? Devant et derrière ? Mon tare est il bien positionné ? Mon doh a t il ses cordons bien noués ? En respectant le plat des cordons ?

Quand on entre sur le dojo, on salue. Pourquoi faire ? Le fais-je en conscience ? En conscience de quoi ?

Je porte mon Men et mes Kotes, oui mais de quelle manière ?

Je m'aligne, oui suis-je bien aligné ?

Je me mets en seisa, quel est la jambe que je descends en premier ? Suis en équilibre tout du long ? Ai-je fait du bruit en m'asseyant ?

Je pose mon shinai, mes kotés et mon men, sont-ils alignés ?

La position de mon seisa est-elle correcte ?

Mon Mokuso est il correct ? dans la posture physique ? dans la posture mentale ?

Et mon salut, est il respectueux ? Ai-je bien salué suffisamment longtemps ? Onegaishimasu, oui mais pour quoi faire ? Qu'est ce que veut exprimer avec celà ?

Je mets mon Men, Ok mais les cordons sont ils jointifs et à plat sur mes tempes ? Mon noeud derrière est il fait à l'horizontale et en respectant le plat des cordons ? Ai je bien les yeux en face des trous les plus espacés de la grille ?

Et caetera... Et caetera...

"Fais ce que tu fais !"

(Mme Jacob, ma professeur de Français Latin de 3ème)

Vous voyez, déjà sans avoir réellement commencé la leçon par elle même, nous pouvons à chaque instant se remettre en question sur toute chose. Attention néanmoins, se remettre en question sur toute chose ne veut pas dire tout jeter aux orties ce que nous faisons en permanence. Cela doit être juste le plus souvent de vérifier et de s'apercevoir que tout est bien fait. Et c'est justement le fait de vérifier que c'est bien fait à chaque fois, et ceci depuis longtemps, qui fait qu'on le fait bien sans y penser.

Cependant il faut toujours continuer de vérifier car comme je le dis souvent : "L'être humain a tendance naturellement à aller vers la facilité." Pour contrer cet état de fait, il faut réaliser chaque phase importante en conscience.

J'ai aussi entendu parler de la théorie de la méditation de pleine conscience. Il parait que c'est une méthode de gestion du stress sans pareille... J'imagine qu'il y a un lien avec les petits gestes que font les sportifs dans leur phase de préparation juste avant l'épreuve. Rappeler vous la publicité pour une eau minérale dans laquelle Z. Zidane mettait toujours la chaussette gauche d'abord...

Pour ma part, dans ma façon de mettre le Men, j'ai un geste récurrent qui est de sortir les cordons de mon Men, les dénouer le cas échéant, et les lancer devant moi avec un geste qui, quand il est bien exécuté, dispose les cordons sur le sol en imitant le kanji "Kokoro". Enfin c'est l'idée que je m'en fais...

Conclusion

En fait, cette amélioration continue de toute chose vient de nous. Et bien oui, encore une fois vous pensiez que j'avais une solution miracle ?

Les jours où l'on se sent bien, c'est important d'y penser mais les jours où l'on ne se sent pas bien, c'est indispensable car cela nous permet de nous raccrocher à des points de repères qui peuvent être rassurant.

Et puis aussi, qu'on se le dise, ce n'est pas les jours où l'on se sent bien que l'on progresse le plus, mais plutôt les autres jours quand, se rattachant à tous nos petits repères, on n'abandonne pas et on s'accroche pour donner le meilleur de nous même malgré tout.

Et c'est cette démarche qui est éminemment la plus profitable.

 

 

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De la posture naît le déplacement

Publié le par Jean-Pierre LABRU

De la posture naît le déplacement
De la posture naît le déplacement

J'ai écrit quelques lignes sur la posture dans un post précédent. Il vaudrait mieux le lire au préalable car celui ci pourrait se concevoir comme une suite logique.

La posture donc est le point de départ de tout dont le déplacement.

Depuis tout jeune on me serine : Ichi gan Ni soku San tan Shi riki* ! comme une incantation divine donnant le pouvoir magique de la maîtrise ultime de l'art du Sabre.

Donc en premier, par votre posture, posez votre regard (Gan) sur l'environnement, évaluer les forces en présence.

Le déplacement (Soku) intervient ensuite avant le courage (Tan) et en dernier lieu, l'habileté technique (Riki).

Le déplacement est donc par définition, le premier des mouvements à maitriser. Hatakeyama sensei, Expert ZNKR 1996, estimait à 70% la part des déplacements dans le Kendô. Je vais encore faire mon râleur, mais combien d'entre nous, lors des suburis, travaillent surtout le mouvement des bras tandis que les pieds suivent comme ils peuvent ?

Bon, le déplacement, ce n'est rien d'autre que l'alternance des appuis posés successivement et allant dans la direction voulue. Dit comme ça, pas de difficulté majeure...

Les appuis, on en entend parler au tennis, à la course à pied (la vitesse surtout), au rugby, ... Sans appui, pas d'équilibre, pas de puissance, pas de déplacement, pas de disponibilité.

En Kendô, on a tendance à penser que les appuis sont ceux ci : le pied droit posé au sol et le pied gauche ayant le talon légèrement soulevé. En fait, le poids du corps ne s'exerce que sur les avant-pieds, comme dans toutes les activités physiques demandant un "jeu de jambes".

En Kendô, la majorité des déplacements s'effectue vers l'avant, demandant également quelques capacité d'ajustement en distance et trajectoire. Une autre des particularités du déplacement de Kendô est que l'on doive, pour délivrer le kikentai, aller déployer de la puissance à une distance relativement grande (la moitié de la distance qui nous sépare du partenaire environ). Pour ce faire, nous devons apporter notre corps le plus proche du point d'impact. Sans cela, la frappe n'est réalisée qu'au moyen des bras (te dake) en japonais, et n'est pas suffisante à délivrer un uchi valable. Vous remarquerez que je n'ai pas parlé d'ippon mais d'uchi valable. (sans doute le thème d'un prochain post)

Ce qui va guider la posture du corps en Kamae sera notre capacité à déplacer rapidement notre corps le plus près possible du point d'impact de notre shinai sur le partenaire. Le déplacement se fera, sans temps de ressort, et sans faire appel à la gravité qui n'est que, comme chacun le sait, de 9,81 m/s² à Paris. En fait, l'accélération de la gravité est insuffisante pour dynamiser comme il se doit le déplacement de Kendô : il faut faire mieux ! En même temps, je dis ça et il circule sur Internet une photo de moi, datant de ce weekend, et montrant surtout ce qu'il ne faut pas faire, mais bon ! :^)

Pas de temps de ressort et non soumis à la gravité, voici deux des inducteurs principaux qui vont nous faire trouver notre "Djibun no Hana" du déplacement.

Afin de limiter ou mieux, d'éradiquer le temps de ressort, il faut que la jambe arrière soit tendue (ou presque) et que l'on puisse s'appuyer dessus comme le nageur s'appuie sur le mur lors de son demi tour.

Ne pas être soumis à la gravité implique que le déplacement n'inclue pas de sauté ni de moment ou le pied avant décollerait excessivement du sol.

Le corps doit pouvoir se trouver le plus vite possible à l'endroit adéquat, en fait c'est notre centre de gravité que nous devons déplacer. Afin de couvrir une distance le plus rapidement possible, le mieux est de n'avoir qu'une distance inférieure à parcourir (puissant ça) ! Pour faire simple, afin d'amener le plus rapidement possible notre centre de gravité d'un point A à un point B, le mieux est de ne déjà plus être au point A mais en chemin vers le point B. Dit différemment, il convient de rapprocher son centre de gravité le plus possible de la cible sans que cela mette en déséquilibre notre posture et que l'on puisse rester en position de kamae. Si le partenaire resens cette disponibilité que nous avons à foncer sur lui, ne serait ce pas là le début du sémé ?

En fait, on voit souvent la jambe avant tendue, le poids du corps dessus; imaginons deux secondes que l'on veuille partir en avant, il faudrait : libérer le poids du corps de cette jambe, débloquer le genou avant et partir enfin... et bien oui, 2 secondes c'est à peu près le temps qu'il faudrait, dans ces conditions, pour déclencher sa frappe, autant dire qu'on est mort !

Ensuite vient le déroulé de pied. c'est un peu ce que le "planter de bâton" est au ski. Pour faire simple, souvent quand on veut pousser avec la jambe arrière, on se retrouve avec , en fin de course, ce que j'appelle "l'aile de poulet", c'est à dire, le pied arrière soulevé, le coup de pied regardant le sol... En résumé, ce déroulé de pied fait perdre plus de temps dans le retour du pied arrière, et donc dans l’enchaînement des pas, que cela n'apporte de puissance dans le déplacement.

Résumons nous, jambe arrière tendue ou presque, le centre de gravité poussé vers l'avant (attention, pas penché !), Tout ça nous fait pointer le genou avant vers l'avant et descendre légèrement le centre de gravité et en fin de course du pied arrière, on ne "déroule" pas.

Bien, il n'y a plus qu'à essayer de marcher comme cela dans la rue. A chaque pas, tendre sa jambe arrière dès que possible, pousser le genou avant vers l'avant en surbaissant très légèrement le centre de gravité et en déroulant les pieds le moins possible... et très vite votre Kendô nous en dira des nouvelles.

*Voir la définition du Seidokan : http://www.seidokan-kendo.org/lexique/151-ichi-gan-ni-soku-san-tan-shi-riki

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La Posture, le premier des apprentissages !

Publié le par Jean-Pierre LABRU

La Posture, le premier des apprentissages !

Par Jean-Pierre LABRU, Kyoshi 7e dan de Kendô

Article mis à jour et paru dans Ken Do Mag en 2022

 

Pour avoir sans doute, tel une asperge ou mieux un bambou, grandi trop vite, combien de fois dans mon enfance, et pas seulement au cours de Kendô, j'ai entendu : "Tiens-toi droit, redresse-toi !!!". Dans tous les domaines, tous les moments de la vie, une bonne posture nous est recommandée : et à raison. On apprend à conduire, on porte une charge lourde, on travaille assis à son bureau, on réalise un geste sportif entre autres. La posture, au-delà de nous prémunir contre le mal du siècle, n'aurait-elle pas également la capacité de nous propulser vers la réussite ?!
 


Se lever pour s'élever 


Les scientifiques spécialistes de l'avènement humain n'ont de cesse que de nous le dire : la station debout a été l'initiateur de l’évolution du primate en homme ; notamment car cela a été primordial dans le développement du crâne et du cerveau. Il existerait une posture optimisée afin d'appréhender le Monde qui nous entoure, une posture comme l’accomplissement ultime des 7 millions d'années d'évolution de l'espèce humaine : la posture debout. La posture dans laquelle tous nos sens sont aux aguets, pour ne pas dire tous nos instincts, celui de conservation en premier ; la posture où la mise en mouvement est immédiate, opportune et pertinente ; cette posture c'est La Posture ! 
 


La théorie du « cerveau primitif »


Nos sens et nos instincts seraient gérés, d'après certaines théories, par une partie de notre cerveau appelée le « paléo cortex » ou « cerveau primitif ». Il serait responsable des comportements assurant nos besoins fondamentaux. Il assurerait la survie de l'individu et de l'espèce. Un même stimulus entraînerait toujours la même réponse. Cette réponse serait immédiate, semblable à un réflexe.
Par la posture adéquate nous mettant dans les meilleures dispositions pour appréhender et réagir, le « cerveau primitif » prendrait en compte immédiatement la situation et nous ferait agir par exemple, dans le cas qui nous occupe, selon les principes, notamment d'homéostasie, de l'instinct de conservation. L'action ne serait ni réfléchie, ni préméditée, elle serait juste immédiate et adaptée le mieux possible à la situation.
 


Le choix des mots


Il y a de cela quelques années, j'ai suivi, dans le cadre professionnel, une formation à "l'art oratoire".
En fait, cette formation portait sur la capacité à prendre la parole de façon convaincante afin que son discours laisse "une trace" dans l’assistance. Le propos principal de la formation était de relier étroitement la posture à la portée du discours : La meilleure posture, permettant d'appréhender son environnement, donne la possibilité de ressentir les forces en présence, ici l'auditoire et ses réactions, afin que les idées soient véhiculées par des mots soigneusement et instantanément suggérés, par le cerveau primitif, en fonction de ce que l’on perçoit.
Une telle démonstration est faite régulièrement par Barrack Obama lors de ses discours. Quelques idées fortes, pas de notes, une posture parfaite et voilà un orateur exemplaire (dixit la formatrice). Le lien avec le keiko est tout trouvé : les phrases sont représentées par les techniques (Waza), sujets verbes et compléments maitrisés donnant l'élocution fluide; les arguments sont votre menace (Seme), la pertinence de vos choix de frappe (Riaï), votre détermination (Kime) : La discussion des sabres a vraiment commencé.

 

Votre posture en impose ou vous trahit


Bien avant la découverte et la mise en théorie de la "communication non verbale", un animal qui boitait attirait déjà l'œil aiguisé, comme l'appétit, des prédateurs. Revenons ici sur le précepte "Ichi gan" : d'abord bien observer ! D'évidence, nous souhaitons tous plutôt jouer le rôle du prédateur dans nos combats d'arts martiaux respectifs. TODA Tadao sensei, multiple champion du Japon, nous dispensant son expérience lors d'un stage équipe de France de Kendo, nous confia qu'il se donnait la première minute d'un combat pour jauger, estimer, évaluer son adversaire avant de passer réellement à l'offensive. Bien observer pour ne pas se fourvoyer : certains oiseaux vont jusqu'à simuler être blessés pour attirer le prédateur loin de leur nid. Souvenez-vous juste que l'œil exercé d'un sensei lit en vous comme si votre Kendô était un livre ouvert : des années d'observation attentive de milliers de pratiquants ; par exemple la vitesse, la ruse, la surprise n'est donc pas la solution.

 

L’apport dans la pratique du Kendo


Cette capacité à percevoir, à lire son environnement, est très utile dans nos activités. Ressentir les capacités, les intentions, la détermination, du partenaire agrègent autant d'informations qui sont essentielles à notre capacité à gérer, au mieux de nos intérêts, toutes les situations. Cette posture, ceux qui pratiquent l’arbitrage la connaissent bien. Depuis que les stages d’arbitrage existent, les senseïs Japonais systématiquement insistent sur la position. Un arbitre efficace est celui qui, lors du shiaï, est le plus souvent possible idéalement placé sur le shiaijo et immobile dans sa Posture. En effet, on est bien plus apte à juger un ippon de Kendô quand on est bien placé pour bien voir ce qui se passe et immobile afin de percevoir correctement toutes les composantes des mouvements du combat (trajectoires, vitesse, puissance). Arriver à percevoir tout ce qui concerne son partenaire c’est une chose, mais cette acuité ne s’arrête pas là. La capacité à percevoir de façon plus large que limitée à son partenaire, Enzan no Metsuke, a été théorisée par Myamoto Musashi, sans doute étayée par l’expérience de ses combats qu’il a menés seul contre une foule mal intentionnée. On peut ainsi, après quelques années de pratique, percevoir son environnement immédiat : ses partenaires collatéraux, les arbitres, les senseis qui nous scrutent…
 


Les risques d’une mauvaise posture


A contrario, les différentes variantes de mauvaise posture peuvent être préjudiciables aux pratiquants que nous sommes. Un kamae dilettante nous exposerait grandement au(x) sabre(s) du partenaire. Un arbitre qui ne prendrait qu'approximativement la posture idéale se verrait enclin à la même approximation de son jugement. Un casque (Men) mal adapté (les yeux doivent être en face de l’écartement plus large de la grille) va induire un port de tête inadéquat qui lui, influera sur le champ de vision et sur la disponibilité du corps à exécuter des mouvements instantanés, fluides et ciblés. Bien d’autres mauvaises postures entrainent des difficultés supplémentaires, d’où l’intérêt de rechercher en permanence la bonne posture. Et, tout cela induit un travail de proprioception qui par définition est propice à l’apprentissage du geste technique.
 


La recette de la posture idéale


Si vous attendiez à ce que je vous donne la recette de la posture idéale, vous avez lu tout cela pour rien !!! Nous sommes tous différents, anatomiquement, physiologiquement et mentalement. On peut donc donner quelques repères mais on ne peut pas « reproduire » sur ses élèves les positions qui ont « fonctionné » pour nous-mêmes : c’est un chemin personnel ! Un petit indicateur tout de même, et vous l’avez sans doute compris à la lecture de cet article, pour mon cas, la pratique régulière de l’arbitrage a largement participé à l’amélioration de ma Posture.
Alors quand, après des années de recherche personnelle constante (pas uniquement sur le dojo), et sans vous être découragé, vous aurez trouvé Votre Posture, je serai en mesure de vous dire : "Voilà !"
 

*Proprioception par wikipédia : « La proprioception (formé de proprio-, tiré du latin proprius, « propre », et de [ré]ception) ou sensibilité profonde désigne la perception, consciente ou non, de la position des différentes parties du corps. Elle fonctionne grâce à de nombreux récepteurs musculaires et ligamentaires, et aux voies et centres nerveux impliqués. »

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Le pourquoi d’un blog s’appelant : Ma contribution au décryptage des principes de l'apprentissage du Kendô

Publié le par Jean-Pierre LABRU

Le pourquoi d’un blog s’appelant :  Ma contribution au décryptage des principes de l'apprentissage du Kendô

Par Jean-Pierre LABRU, renshi 7e dan de Kendô

Tout débute avec l’envie de partager ma compréhension des principes de l’apprentissage du Kendô.

Un des reproches que l’on m’a fait un jour, que j’ai pris en fait comme un compliment et que je revendique : « Toi, tu donnes des conseils à des gens qui ne t’en demandent même pas ! ». Oui c’est vrai, j’ai toujours eu cette particularité, dans mes études, dans mon travail et bien entendu dans mon Kendô et bien avant que j’enseigne.

Bien entendu, j’adore enseigner sur le dojo. J’aime transmettre des images, tenter de convaincre du bien fondé de telle ou telle manière apprendre le mouvement le plus optimisé. Il y a cependant pas mal de notions que l’on ne peut pas passer sur le dojo, principalement par manque de temps. Il est vrai qu’on peut le faire aussi au café… je me souviens du dernier stage que j’ai encadré à Belgrade en Serbie. J’avais organisé des discussions, questions réponses, post entrainement… dans un café !

Il commence à y avoir pas mal de Kendô-blogueurs sur Internet, principalement en langue anglaise. Alors je me lance et il me faut choisir un style de blogueur, l’enseignement du Kendô à l’écrit. Mais est-il possible d’apprendre le Kendô en lisant ?

Le style « historien» :

Il en est qui retransmettent le Kendo comme des historiens, et c'est précieux! On les voit prendre des notes et des notes lors des stages, voire s’isoler après l’entrainement pour retranscrire le contenu du cours. Ils savent te dire quel senseï a développé tel ou tel concept tel jour de l’an de grâce 19aa du siècle dernier. OK pour avoir des notions construites, suivies et progressives, cela leur demande un travail de Titan. Ils doivent ainsi regrouper, ordonner, retranscrire et rendre intelligible une pensée qui souvent, mais pas toujours il est vrai, reste « patchwork ».

Ceux ci peuvent y chercher des cautions pour valoriser leur discours ne se trouvant pas suffisamment « référents » pour que leur propre expérience trouve valeur à leurs yeux.

Je ne les rejoins pas sur ce point. En effet, j’estime, même si cela peut paraitre iconoclaste ou hérétique, ces dernière années, j’ai beaucoup plus appris des expériences que j’ai vécues ou auxquelles j’ai assistées, les acteurs étant hauts gradés ou non d’ailleurs, que des discours des senseïs japonais. En effet, le principe éminemment salutaire d’un sans cesse retour au bases fait que les discours des senseïs sont des énièmes répétitions basiques et pas forcément créatives.

Le style « ingénieur technique » :

Et puis, il y a aussi, ceux qui partagent leur expériences, leurs concepts décrivant jusqu’à « la position du 5e orteil du pied gauche au premier jour de la pleine lune ».

Les techniques sont décortiquées, analysées, partitionnées, « chronologisées » et livrées aux élèves comme une démonstration mathématique. Que dire du triangle isocèle ou équilatéral que font les bras le ventre, vu du dessus en shudan no kamae ? (véridique)

Le style « Jibun no Hana » :

Mais au fond, ce qui est important n'est il pas finalement de transmettre les notions qui permettent de « faire éclore la fleur intérieure en chacun de nous » (D’où le nom du blog : Jibun no hana o sakase yo qui est la maxime inscrite sur le tenugi de Nagano senseï).

A mon avis, il est primordial à chacun d'acquérir les bases techniques d'une expression artistique afin que la valeur que chacun développe en lui, au cours de sa vie, s'exprime et ainsi diffuse une émotion. Cette émotion se ressent, par tout autre personne sur le même chemin, ceux sur des chemins différents, mais le plus important est de toucher ceux qui par la suite l'emprunteront et se mettront en chemin.

Et cette roue sans fin continue de s'alimenter des valeurs et des consciences de chacun ce qui rend cet art vivant.

J’ai la sensation d’en avoir perdu quelques uns d’entre vous avec ce dernier développement, non ?

En conclusion, le style que j’aimerais développer est un mélange d’images, de constructives provocations, de contagieuses motivations à pratiquer mieux plutôt que plus, …mais aussi plus pourquoi pas.

Alors n’hésitez pas à me challenger sur mes développements quand vous ne comprenez pas où je veux en venir, à abonder dans on sens en nous faisant par de vos expériences ou à vous exprimer si vous n’êtes tout simplement pas d’accord.

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Le Motodachi, l’Uchidachi ou le manager de la réussite en Kendô

Publié le par Jean-Pierre LABRU

Par Jean-Pierre LABRU, renshi 7e dan de Kendô

Un Manager, tel que je le conçois, est un leader, un facilitateur et un coach. Autant de notions dont on pourrait trouver nombre de synonymes. C’est celui qui est responsable, ou « Accountable » (Cf. le « A » du RACI), de la réussite de ce qui est entrepris.

Le manager en Kendô, une nouvelle notion ? …pas vraiment en fait !

Que dire de l’Uchidachi du Kendô no kata, si ce n’est qu’il est le manager de la bonne réalisation et donc du bon apprentissage des katas. Etonnant, ce concept de dire que d’une bonne réalisation des katas en découle un bon apprentissage, ne trouvez vous pas ? En effet, on pourrait croire qu’il faut avoir bien appris pour bien réaliser.

Voici déjà une question ! L’Uchidachi, le Motadachi, le Manager pose les bonnes questions et fait se poser les bonnes questions aux Shidachi, Kakari, élèves.

Une des questions que doit se poser Kakari : Où Motodachi veut il m’amener ?

Dans les Katas, on a coutume de dire que Uchidachi donne notamment la bonne distance mais on entend aussi que le Shidachi doit toujours s’assurer d’être à la bonne distance. Alors qui de la poule ou de l’œuf ? Voici typiquement une façon très japonaise de concevoir une notion, on pourrait même penser que le concept est ambigu. En fait tout dépend du niveau des deux protagonistes et surtout de la maturité du Shidachi. Plus le Shidachi est avancé, plus il devra veiller, par lui-même, à une foule de détails qui lui seront demandés tacitement par Uchidachi et en premier lieu : la distance.

Et inversement, lors des uchikomis, le Motodachi doit faire d’autant plus d’effort pour s’adapter au partenaire que celui ci est novice.

La distance en premier lieu, mais aussi le rythme, la présentation des cibles sur son armure et une énergie communicative sont à mes yeux les principaux éléments sur lesquels les efforts du Motodachi doivent se porter.

Si on parle de distance, de cible et d’énergie communicative on retrouve les trois éléments du kikentaï inhérents au rôle de motodachi.

Le Kikentaï dans le rôle de motodachi du kirigaeshi

Nous savons tous que lors du Kirigaeshi, le motodachi doit présenter sa tête à la bonne distance de frappe du kakari et interposer son shinai lors de l’arrivée de la frappe tout en coordonnant son déplacement avec celui de kakari.

Interposer son shinai se suffit pas à opposer suffisamment de résistance, d’appui et donc de répondant au kakari afin qu’il puisse repartir vers la frappe suivante. En effet, ce qu’il faut c’est au moment de l’impact, délivrer également un te-no-uchi afin de réaliser un impact en retour aussi puissant que la frappe. Pour ce faire, seul une synergie de tout le corps peut donner suffisamment de puissance aux mains lors de l’impact : un Kikentai.

Bien entendu, un kiai sonore n’est pas attendu du Motodachi.

Dans la variante du kirigaeshi en hiraki-ashi, le Motodachi restant sur place, le kikentaï en question peut être tout à fait délivré, le déplacement pourra être remplacé par un léger surbaissement à l’impact.

En partant du Kirigaeshi, on peut décliner le kikentai du Motodachi sur de nombreux exercices, valorisant ainsi l’implication de Motodachi dans l’exercice demandé.

La connexion entre Motodachi et Kakari

Bien entendu, rien n’est possible sans l’établissement d’un lien entre Motodachi et Kakari. D’ailleurs un excellent exercice, pour ne pas dire le meilleur, sur la mise en place de ce lien, et son perfectionnement, est la pratique des Katas.

En termes de rôle dans l’établissement de ce lien, tout dépend des capacités des deux protagonistes à percevoir son partenaire et par là même être en mesure de comprendre, lire, anticiper ses actions, son rythme, sa distance, ses capacités. Imaginez vous quel « super pouvoir » vous auriez si, à tout moment, vous étiez en mesure de connaitre, à coup sûr, ces informations pour tout partenaire en face de vous. Avec quelle facilité vous maitriseriez toute situation !

De cette connexion, avec un peu de pratique, (soyez patients mais persévérants) vous pouvez a minima savoir quand votre partenaire est prêt à agir (se déplacer, attaquer, …). Par la suite, vous comprendrez ce qu’il est capable de faire ou pas, certains même de ces états mentaux comme la peur, le doute, l’hésitation et la perplexité (yotsu no byoki – les 4 maux du Kendô) et utiliser ces informations à bon escient. Encore un peu plus tard, vous pressentirez ce qu’il va faire ou même l’influencer dans ses choix en lui faisant percevoir certaines informations servant vos propres intérêts.

J’ai remarqué qu’avec l’avancement dans la pratique, on devient de plus en plus réceptif à une foule de détails, concernant le partenaire mais pas seulement. En effet, dans les keiko, certains combats qui se passent aux alentours, on en ressent les énergies, kiaïs, vibration des fumikomi,… Les retardataires, on les voit tous arriver même si ils essayent de rester discrets.

Il reste une question que je me pose toujours au sujet de la qualité de cette perception : Notre Kendô progresse t il car cette perception augmente ? Ou bien, cette perception augmente car notre Kendô progresse ?

La droiture, la justesse, la vérité dans la mise en situation

Le Motodachi, de tous temps et plus encore quand l’armure n’existait pas encore, se doit de recréer le plus fidèlement possible la situation de combat.

Plus cette situation est rendue « vraie » et plus ce qu’il veut transmettre au Kakari sera mieux assimilé et utilisé par la suite.

Combien de Uchidachi viennent « trouver » le bokken du Shidachi pour le suriage du 5e Kata ?

Allez, je me lance dans une statistique, sur les 1er à 7e dan que j’ai vu, et même moi quand je n’y prête pas attention, je dirais : plus de 95% ne viennent pas sur le Men. Soit la distance est trop éloignée pour avoir réellement eu l’intention d’atteindre le Men, soit la trajectoire est biaisée pour « être sûr de faire le bruit attendu ».

Mais désolé de vous le dire, c’est très souvent les deux à la fois !!!

Comme résultat, la distance est faussée et la sensation dans les mains, trop lourde, n’est pas la même ; Voire même, le Shidachi ne fait même plus suriage, il attend simplement qu’on vienne choquer son sabre.

Comment voulez vous acquérir la technique de suriage dans ces conditions ???

Toutes les situations créées par le Motachi se doivent de pallier à cet aspect humain. En effet, on altère systématiquement son geste ou son attitude quand on connait « la fin de l’histoire », à moins qu’on y prête une attention et une volonté sans faille.

En synthèse : La génèse et l’essence du motodachi

Le rôle de leader de Uchidachi dans les Katas doit être pris comme un exemple, une trajectoire, un fil conducteur, pour perfectionner continuellement et à chaque seconde, le rôle de Motodachi dans son Kendô en général.

Tout commence lors de la cérémonie d’entrée dans le dojo du Uchidachi suivi du Shidachi, puis du za-reï (salut en seiza face à face avant la pratique des katas).

Uchidachi à tout moment va donner le « top départ » pour chaque action, oui mais quand ? La réponse est portant simple, au moment opportun. Ce moment peut dépendre de tout élément qui sera pris en compte par Uchidachi, qui sait, jusqu’à avoir le silence dans la salle ou même quelque chose de plus intrinsèque : qu’il sente son Shidachi tout simplement prêt à « y aller ». Uchidachi, ayant la responsabilité de la réussite de la démonstration des katas, devra prendre en compte, juger ou ressentir, tout élément contextuel, et agir en conséquence.

Une fois que la perception est bonne, le Motodachi doit réaliser l’action la plus adaptée au contexte et au niveau de son partenaire. Il recrée ainsi la situation la plus réaliste et la plus propice pour apprendre.

L’exemplarité est le concept qui me vient ensuite mais à partir du moment où la perception et l’action sont correctes, on peut dire que l’exemplarité est en très grande partie satisfaite.

Voilà, après avoir écrit ces lignes, je déclare 2015 comme l’année du Motodachi !!!

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INADOMI Sensei

Publié le par Jean-Pierre LABRU

INADOMI Sensei
Par Jean-Pierre LABRU, renshi 7e dan de Kendô

Message du 9 décembre 2014

« Une anecdote nous en apprend plus sur un homme qu'un volume de biographie. » William Ellery

A la Saint Mandéenne hier soir se tenait l'after du KNM avec les senseïs du cru 2014 du même nom.

Ayant été éloigné des dojos ce weekend, j'ai profité de mon retour au Monde non médicalisé pour rencontrer les senseïs avant leur départ pour le Japon.

Et donc Monsieur NAGANO m'a présenté à INADOMI senseï ce qui a suscité l'anecdote que je vais vous raconter.

Juste une parenthèse pour ceux qui se demandent pourquoi je ne dis pas NAGANO senseï.
Et bien dans le "non dit collectif du Kendo français à travers les âges", j'ai remarqué que les senseïs, qui viennent en france régulièrement, et envers qui la reconnaissance du Kendo français est immense, évidente et perçue par tous, se trouvent, implicitement, tacitement et universellement décorés du titre de "Monsieur". Intéressant non ?

Donc, les Ajimete et yoroshiku onegaishimasu passés. INADOMI sensei s'empresse de déclamer son dernier fait d'arme :
"Vous savez que je viens de remporter le tournoi des 8e dan du Japon ?!"

Evidemment que je savais, je venais même de publier la vidéo de la finale sur Facebook et d'ailleurs j'avais des questions à lui poser... en temps et en heure...

Alors là, deux solutions s'offrent à moi :
Soit lui déclamer moi aussi mes faits d'armes, comme le faisaient les samurais sur un champs de bataille avant l'affrontement, dégainer et partir à l'assaut.
Juste un soucis, encore en rémission, je n'avais amené que mon keikogi-hakama... !!!
Soit, ce que j'ai tenté de faire, lui faire savoir que bien entendu, je connaissais sa réputation et je j'étais très honoré de faire sa connaissance.
C'est là que la barrière de la langue aidant, je n'ai réussi à lui sortir qu'un linguistiquement pauvre : "Hai Wakarimasu, O medeto gozaimasu Senseï !"
Ce qui peut être compris comme un : "oui je sais mon gars, très content pour toi !"

Notre échange cocasse a, bien entendu, fait hurler de rire Monsieur NAGANO laissant un INADOMI sensei à se demander comment il devait le prendre.

Heureusement, le repas qui a suivi nous a placé en face l'un de l'autre et nous avons convenu ensemble d'une sympathie réciproque (apparemment).

C'est là que j'ai pu poser mes questions.

Je sais maintenant, on le voit très mal sur la vidéo de sa finale, le dernier point est un kote kaeshi men, et non suri age men comme je le pensais au préalable.

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Mitori Geiko

Publié le par Jean-Pierre LABRU

Par Jean-Pierre LABRU, renshi 7e dan de Kendô

Message du 9 décembre 2014

"Au jeu de go, l'avantage est au spectateur." (un, sans doute vieux, sans doute chinois, proverbe)

Le journalisme spécialisé du Kendô ne couvrant pas tous les événements importants, je me propose de vous faire un petit résumé de la soirée d'hier à SMK.

Passé le sas d'entrée, troquant sa pièce d'identité contre un badge magnétique, j'ai découvert la superbe salle d'entrainement de la SMK au Fort Neuf de Vincennes (qui est Paris en fait). Un ancien manège, charpenté d'impressionnantes poutres de chêne je suppose, qui fait ressembler la voûte à une cale de bateau retournée. Enfin, c'est comme cela que je me l'imagine... A propos d'imagination, on voit très bien les chevaux tourner en rond dans cette immense bâtiment. Un plancher avec un bon rebond mais quelque peu abîmé et disjoint à certains endroits. Une petite séance de collage de scotch plus tard et l'entrainement commençait.

FUJISAWA senseï de l'année, envoyé par la fédération japonaise, déclinait ses Kihon. Tout était principalement basé sur la qualité, et donc l'extrême rigueur, du geste et des déplacements.

Une phase de Mawari-Geiko a pu laisser à tous le temps de s'exprimer et de mettre en pratique le kihon nouvellement appris (je plaisante). La consigne avant le jigeiko a été : Sutemi, l'engagement pur, sans retenue et pour les plus mystiques (mais pas seulement), en se détachant de la notion de survire ou de périr, de vie ou de mort.

Le Mitorigeiko, ou l'entrainement en regardant, à mon avis, n'est pas fait pour ceux qui n'osent pas y aller, ni ceux qui ne le sentent pas aujourd'hui, ni ceux qui sont fatigués ou dit autrement, les tires au flan (Caserne militaire oblige ;^)). Finalement, je pense que le mitorigeiko est fait pour les frustrés, les frustrés de ne pas pouvoir pratiquer, pour raison physique, médicale, carcérale, que sais-je... Je l'ai vraiment ressenti hier, il faut éprouver, indépendamment de sa volonté donc, une énorme frustration de ne pas y être, pour finalement y participer au moyen du mitorigeiko. Un entrainement par procuration, oui c'est un peu cela. J'imagine que le fait d'avoir une expérience de l'arbitrage participe un peu à cela. Je suis donc monté à bord du Kendo des copains, j'ai ressenti leurs difficultés, leurs réussites... Mais j'ai aussi réussi à monter à bord du Kendô des senseï (de temps en temps), et là c'est énorme ! Pour les gamers, imaginez, un casque à réalité virtuelle, embarqué dans un combat aérien où vous vivez, en passager avec pilote automatique, un combat mené par Monsieur NAGANO comme pilote de chasse

De mémoire, voici la liste de quelques unes de mes observations :

La première de mes observations va à l'ensemble des pratiquants du club de SMK et Pierre qui me connait sait bien que ce n'est pas mon genre de distribuer des compliments à tout va. Il y a une constante chez tous ceux de SMK présents hier soir. Cette constante n'est pas technique, chacun est différent dans sa pratique ce qui démontre qu'à SMK l'enseignement applique la devise de Monsieur NAGANO : "Djibun no hana o sagase yoi" : Il faut s'attacher à faire éclore la propre fleur intérieure ! (la sienne et celle de ses élèves) Cette constante c'est un bon esprit dans l'envie de bien faire, l'application, et surtout, l'absence, même d'un seul, des 4 maux du Kendô que sont : la peur, le doute, l'hésitation et la perplexité. Techniquement : Mention spéciale à Mr TALAZACQ pour son kirigaeshi tsugi ashi (le premier semi statique)

Et puis comme ça vient, et tout de mémoire, preuve qu'il y a eu "impression" :

Vincent LE ROUX, frère de Pierre, pas encore shodan, qui réalise un magnifique tobikomi doh, sorti de nulle part, à FUJISAWA senseï.

Yannick FIANT, sans doute inspiré ;^), qui, après un seme très honorable sur men, développe, plutôt valablement, un harai kote sur le poignet de Monsieur NAGANO.

Yukiko TSUJIMURA-BARDON, après avoir circonvenu plusieurs collègues plus gradés, en mawarigeiko, nous a livré deux superbes keikos avec les senseïs, gonflés de sutemi et d'à propos.

Le KesaGiri de Monsieur NAGANO, ami Iaidokas bonjour, en réponse à une attaque de men, zébrant un peu plus, mais de chaque côté, le Doh de Eric MALASSIS

Deux beaux Keikos, très engagés comme à son habitude de Alain-Nicolas DI MEO. Quelques kote ai uchi men bien dans le timing. Mais bon, à la décharge de INADOMI senseï, il faisait froid et c'était son premier combat. :^)

Voilà c'était, en léger différé du fort Neuf de Vincennes, un petit résumé de mon mitorigeiko d'hier soir (8 décembre 2014).

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