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Comment se préparer à un passage de grade ?

Publié le par Jean-Pierre LABRU

Mon premier professeur, le docteur André Pomès me disait : "On n'est champion que d'un jour."

Je complète : "On n'est champion que d'un jour mais un grade, on se doit de le mériter à chaque entraînement." En vertu de ce principe, et de quelques autres d'ailleurs, se préparer spécifiquement à un passage de grade est un concept qui m'a toujours paru incongru... Un examen de grade n'est pas un concours, pourquoi devoir se préparer autrement que par l'entraînement habituel ? Est ce à dire que l'on doive se préparer spécifiquement car on n'est pas au niveau ? Alors pourquoi le présenter si on n'est pas au niveau ? Et si on se présente et qu'on l'obtient, continuera t on à mériter ce grade sitôt l'examen terminé ? J'écoute certains de mes amis de Kendô avancer les poncifs suivants : "Il faut organiser des stages spécifiques pour se préparer à passer les hauts grades." Ou aussi : "Je n'ai pas assez l'occasion de faire assez de keiko avec des combattants de haut niveau pour progresser." Je vous livre une anecdote flashback sur mon parcours : à la mi année 1989, par un concours de circonstances, je me retrouvai sans Club. Il m'a fallu créer un nouveau Club avec, pour seul sparing partner, un sac de frappe de boxeur. J'étais alors 2e dan, j'avais 22 ans et j'allais être sélectionné pour les championnats d'Europe de Berlin d'avril 1990. Avec le recul, l'équation n'était pas simple. Pourtant à l'époque, je ne me suis pas posé de question, en fait je n'avais pas le choix. Tous les mois, je montais à Paris au stage Haut Niveau (ancien nom des stages équipes de France) et je revenais travailler dans mon Club, seul au début puis avec quelques débutants. Je suis donc devenu, comme beaucoup en France en fait, mon propre professeur. Captant toutes les influences qui passaient à la portée de ma compréhension, je poursuivais mon bonhomme de chemin.

Je comparais, mais peut on comparer, ma progression à celle de mes homologues parisiens, s'entraînant dans des grands clubs, sous l'enseignement de grands professeurs. Je me souviens que je ne prenais pas seulement mes influences auprès des professeurs mais de chaque pratiquant. Pour exemple, je ne pense pas qu'il le sache, mais j'ai tenté de copier, et j'espère avoir réussi, le retour de pied gauche de Roland Motard qui était déjà du même grade que moi à l'époque. Plus récemment, membre d'un jury de passage de 1er dan, j'ai été conquis par le furikabute (l'armé du sabre) d'un candidat. Depuis j'essaye, avec plus ou moins de réussite, de le reproduire... Dernièrement, mon kirigaeshi s'est remis en chantier après avoir reçu une leçon par un quasi débutant que j'ai nommé dans mon article "mitori geiko".

Mon Kendô est devenu un véritable patchwork des techniques des uns et des autres, senseïs ou sans grades...

Serait ce de ne plus avoir eu de professeur, au sens "conseils quotidiens" sur lequel je pouvais me reposer et lui confier les yeux fermés ma progression, qui me fait faire feu de tout bois en matière de sujets d'étude ? Sans doute...

Aurais-je lu trop de fois la Pierre et le Sabre ? Peut être... A partir, de plus ou moins, une bonne quinzaine d'année de pratique régulière, j'estime naturel que l'on puisse être en mesure de ressentir une émotion à la vue d'une technique, d'un geste, d'une position. Cette émotion, semblable quelque part à celle ressentie quand on voit un ippon, fait référence à ce qu'est notre Kendo, notre vécu, nos capacités, notre goût. Et c'est pour ces raisons que cela fait mouche et nous touche. Ne perdons surtout pas l'occasion de capturer ainsi ces éléments qui peuvent devenir les briques bâtissant notre futur Kendô. On entend souvent : "Ce qu'attend le jury c'est ça, ce qu'il ne veut pas voir, c'est ça !"

On m'a dit un jour : "Au premier dan le jury attend Men, au deuxième, Kote Men, etc..."

Je trouve cela bien réducteur, le Kendo est bien plus riche que cela, ne trouvez vous pas ?

Pour moi un jury d'examen doit être en mesure d'apprécier à quel niveau d'avancement se trouve le candidat.

Un jury expérimenté ne se laissera pas abuser par la forme, que l'on peut corriger opportunément, mais détectera le fond de pratique et c'est bien ceci qui sera évalué.

Dans tous les cas, en tant que juré d'examen, c'est ce vers quoi je veux tendre.

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L'arbitre de Kendô est un spectateur privilégié

Publié le par Jean-Pierre LABRU

Une occasion m'est donnée de mettre à l'honneur et de rendre hommage...

Une occasion m'est donnée de mettre à l'honneur et de rendre hommage...

Avertissement : ce texte ne vous apprendra pas à arbitrer, pour cela il existe des stages, des publication et des années d'expérience. Il s'agit dans l'esprit du blog d'un décryptage de certaines notions avancées et dans le but d'avancer sur la voie de l'amélioration continue.


Toujours bien placé, par sa disponibilité de corps et d'esprit que lui confère sa posture (Cf. un article précédent), ce spectateur n'est pas partisan, ce qu'il cherche c'est l'émotion d'un ippon.


Le Ippon : cette complétude technique convaincante qui enthousiasme et émeut le spectateur averti.


La principale différence entre un arbitre et un spectateur, c'est qu'un arbitre ne peut pas applaudir car il a un drapeau dans chaque main, alors il lève le rouge ou le blanc selon la couleur du combattant ayant généré l'émotion ressentie.

L'arbitre est un acteur du combat de Kendo car il est un spectateur qui "modifie la mesure". En effet, un peu comme dans la physique quantique et son photon baladeur, l'arbitre, par son action déterminée d'observation active va influer sur le combat. En fait, il interfère non pas sur le résultat du combat mais sur la capacité que les combattants vont avoir de s'en remettre aux arbitres pour juger leur Kendo. Et c'est seulement dans ces conditions que chaque combattant pourra livrer son meilleur Kendo.

En premier, l'arbitre en impose par sa posture, par sa prestance, sa façon de bouger, ou de ne pas bouger, et très tôt sur sa convaincante déclamation du hajime. Ainsi l'autorité de l'arbitre doit se diffuser aux deux autres membres du gumi d'arbitre, aux combattants ainsi qu'aux spectateurs.

Le positionnement de l'arbitre conditionne sa capacité à bien percevoir le combat et donc à correctement juger les actions. Mieux que le positionnement lui même, la rapidité à se positionner accumule le temps durant lequel l'arbitre est bien positionné. Effectivement, quand on est en mouvement notre perception est altérée par la position instable qui en résulte. La vitesse du déplacement de l'arbitre, elle même, peut perturber, selon les cas, l'appréciation des trajectoires de corps et de sabre des combattants ainsi que leur puissance.

Il convient donc de se positionner le plus rapidement possible afin d'être bien positionné, immobile, le plus souvent et le plus longtemps possible.

Nous voici donc, en tant qu'arbitre, devant une équation à résoudre : Comment être le plus souvent bien positionné, tout en se déplaçant le plus stablement du monde afin de tout de même juger le mieux possible les actions ayant lieu pendant qu'on se déplace ?

Un seul discriminant : l'anticipation !

Et pour anticiper, il faut tout simplement, le plus souvent possible, lire l'avenir.
Dépourvu de quelque boule de crystal ou autre pendule, l'arbitre, selon ce qu'il a appris et compris des combattants depuis leur arrivée sur le shiai-jo, doit, à chaque fois qu'il le peut, anticiper leurs mouvements et donc par effet miroir, son propre positionnement.

La lecture du combat nous permet d'anticiper les déplacements des combattants mais aussi, par une empathie "stèréo", comme si l'arbitre était l'un et l'autre des combattants en même temps, il est possible, et même très souhaitable, de ressentir les échanges, les rythmes, les menaces, les intentions des deux combattants.
L'arbitre fait ici appel à sa propre pratique, à son propre niveau de Kendo. Je dirai même que, par procuration, l'arbitre exerce même sa propre compétence de combattant. Il combat ainsi par procuration et par conséquent progresse dans son Kendô tout en arbitrant.

Dans ces conditions, la rapidité de prise de décision n'est plus un soucis bien au contraire. Le risque est même de lever à l'instant même de l'impact du shinaï ce qui n'est pas souhaitable.
Cette double empathie se doit d'être totalement intériorisée à tel point que rien ne doit bouger avant le lever de drapeau validant le point, après avoir pris le temps d'attendre suffisamment pour vérifier le zanshin.

En effet, un ippon étant presque suffisant, un wasa ari par exemple, ne doit faire trembler dans l'absolu aucun des 6 drapeaux.

Le vrai niveau d'un arbitre, selon moi, se mesure donc selon deux paramètres :
- le temps cumulé de son bon positionnement
- l'absence de mouvements parasites de ses drapeaux.

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