"Makoto no Kokoro" : Candide ou l'optimisme... et ceci, délibérément !

Publié le par Jean-Pierre LABRU

"Makoto no Kokoro" : Calligraphie réalisée amicalement par Yolanda spécialement pour illustrer cet article.

"Makoto no Kokoro" : Calligraphie réalisée amicalement par Yolanda spécialement pour illustrer cet article.

"Ils ne savaient pas que c'étaient impossible, alors ils y sont parvenus !" Mark TWAIN

Il est une notion fondamentale dans le correct apprentissage et la juste réalisation des techniques de Kendô.

Cette notion est d'autant plus fondamentale que sans elle, rien n'existe de vrai, rien n'existe de juste et donc rien ne s'exprime de beau dans l'esprit et par le corps.

Allez soyons positif et cette phrase se transforme en : Grâce à cette notion, tout devient vrai, tout devient juste et tout ce qui s'exprime par le corps et dans l'esprit devient beau.

Pourquoi tant de lyrisme me direz-vous ? Finalement, ce n'est qu'une notion de plus dans le Kendô, sans doute accompagnée d'un adage japonais teinté d'une belle couleur locale.

Et bien non, pas d'adage, ni de proverbe, ni même de comptine...

... je ne vois rien d'autre que le terme lui même : Makoto !

Et plutôt que de vous en donner la traduction comme n'importe lequel des dictionnaires papier ou web, je me propose de vous en faire la démonstration par la pratique... à l'écrit.

Commençons par nous poser quelques questions ?

Pourquoi faut-il imaginer que l'on frappe sur un partenaire lors des suburis ?

Pourquoi faut-il imaginer frapper la tête plutôt que le shinai lors du Kirigaeshi ?

Pourquoi est-il si difficile d'être sincère dans les attaques et ne pas tenir compte a priori de la technique que va réaliser shidachi dans les Katas ?

Comment lors d'un exercice de kiriotoshi ne pas finir par frapper latéralement au bout d'un moment ?

Comment faire pour être un bon motodachi afin que le partenaire travaille profitablement ses ooji-wasa (contre attaques) ?

Et au final, comment ne pas se laisser influencer par le contexte, nos a priori, le partenaire ou notre propre appréhension afin de prendre la meilleure décision (en Keiko, Shiaï ou arbitrage) ?

Visualiser pour réaliser avec justesse

En Iaidô, si on doit visualiser ses assaillants ce n'est, excusez du peu, que pour les coupes soient dans le bon timing et donc la juste distance, avec la bonne technique employée, afin que le sabre coupe virtuellement ce qu'il doit couper.

En soit, si on ne visualise pas, on se retrouve à réaliser d'élégantes (ou pas) "arabesques" (comme disait mon premier professeur de Kendô) sans aucune signification ni pertinence.

Et d'ailleurs en Iaidô, le plus haut niveau de réalisation arrive à faire visualiser ces mêmes assaillants par un public, averti ou non.

Et donc lors des suburis, il faut se fixer une cible virtuelle, à la distance adaptée, et la frapper comme si on frappait sur l'armure du partenaire. Par conséquent et par exemple, il ne faut pas s'arrêter au niveau de la tête mais bien à celui de la bouche. J'associe souvent cette image à celle du Tennis où on se doit de traverser la balle.... et au billard, la boule.

Focaliser pour être dans le vrai

Le Kirigaeshi, cela pourrait faire un post à lui tout seul.

L'alternance de frappes à la tête, respectant la distance, le sens du tranchant (message perso : je ne vous lâcherai pas les jeunes), le te no uchi, ... Pour un observateur avisé, le kirigaeshi détermine à lui seul votre niveau de maitrise de votre corps et de votre sabre.

Et que dire si les frappes ne visent que le shinai du partenaire qui n'est par définition pas à la bonne distance. En effet, il est avancé et écarté par rapport à la vraie cible à viser : la tête.

Le gohonme du Kata mon cheval de bataille du Makoto.

Ceux qui me connaissent un peu savent que j'apprécie le Gohonme pour sa technique de suriage et que je le considère comme un indicateur de la sincérité, la vérité, avec laquelle on pratique le Kendo no Kata.

Placé à la perpendiculaire comme un jury d'examen, la trajectoire du sabre de Uchidachi est très clairement visible en termes de distance d'attaque.

Souvent, très souvent, trop souvent, sans doute pour ne pas blesser le partenaire, l'attaque est faite sur le bokken de Shidachi plutôt que sur sa tête.

Question de distance sans doute, le pas est insuffisant pour aller porter son sabre au dessus de la tête du Shidachi.

Quelquefois même (souvent, en fait !), le shidachi n'a même pas eu le temps d'amorcer le suriage et le choc des sabres intervient à la hauteur de Chudan.

Les effets indésirables et induits par cette situation sont considérables et néfastes :

Le shidachi ne travaille pas technique de suriage à la bonne distance.

La trajectoire et le choc sur son sabre, réalisés par l'attaque de uchidachi, ne sont pas conformes à une attaque en condition réelle, le choc des sabres y est plus lourd et par conséquent, la sensation dans les mains est toute différente.

Par conséquent, le rythme et la technique de l'ojii-wasa, la correcte distance de frappe et du kikentai cohérent en seront fortement altérés.

Je ne conçois pas que l'on puisse apprendre la technique de suriage dans ces conditions afin d'être en mesure de la réaliser en Shiaï un jour.

Alors pour faire mieux...

A distance d'attaque i-soku-i-to, hidari jodan face à shidachi en chudan, sur un pas attaquer men, en portant le datotsubu (partie du sabre) au dessus de la tête tandis que shidachi réalise suriage men du gohonme du Kata. Une fois, deux fois, dix fois, vingt fois... tandis que Shidachi fait suriage...

Faites le test et comptez combien vous avez réussi de Men avant de venir frapper le boken du partenaire plutôt que sa tête. Si on n'y prête pas attention, cela intervient dès la première. Dans tous les cas, cela aura lieu dès que l'attention sur ce point ou la volonté se relâchera un instant.

En fait c'est humain : on sait que suriage va venir interférer à notre Men : inconsciemment notre cerveau compense en faisant venir notre geste à la rencontre du sabre adverse.

Le sabre aimanté

Une autre démonstration : ceux qui viennent faire keiko régulièrement avec moi l'ont expérimenté quelques fois.

Quand les deux attaquent Men en même temps, une fois, deux fois... au bout d'un moment, invariablement, inconsciemment ou pas, le Men perd sa détermination vers mon Men car il est irrésistiblement attiré par mon shinai qui vient s'opposer dans le Kiriotoshi. En fait, ce n'est pas le shinaï qui est attiré mais l'esprit inconscient, ou conscient et c'est plus grave, de mon partenaire. Il vient agir "contre" mon men et non "pour" le sien !

Kiriotoshi est une technique très utilisée dans l'école Ittoryu où les deux sabres, dans des trajectoires rectilignes au centre et en direction du Men, s'opposent dans un timing similaire. Pour ceux qui ne connaîtraient pas, cela ressemble un peu aux aiuchi Men de Yonhonme du Kata.

Je comprends mieux maintenant pourquoi Mr Yoshimura nous faisait travailler Kiriotoshi, au bokken, dans les stages équipes de France. Cette capacité d'autodétermination au centre, sans pour cela exercer ni de pression latérale, ni réaliser une trajectoire oblique dans l'intention inappropriée de contrer l'attaque adverse...

On pourrait résumer ainsi : "Ne cherchez pas à contrer l'autre, imposez vous tout simplement !"

Le moindre relâchement, et ceci à tous les niveaux de pratique (un combat perpétuel pour moi également) et cette dérive revient immédiatement et invariablement.

Conclusion

La première étape de l'innocence volontaire : se mentaliser à faire comme si rien d'autre n'existait que ce que l'on réalise. C'est aussi un travail de la volonté que de ne pas se laisser "distraire" ou influencer.

En deuxième vient la sincérité en toute chose, c'est que qui vient naturellement en travaillant l'étape 1 à chaque instant.

Cette sincérité, intégrée en standard dans notre pratique, permettra le développement de notre détermination que j'aime appeler "l'autodétermination". Pour moi, une détermination sans faille ne peut pas se mettre en place sans un travail sur la sincérité... mais je suis à l'écoute de vos remarques...

Cette détermination est perçue par nos partenaires (à partir d'un certain niveau de perception de l'autre), elle révèle en fait notre niveau de pratique et notre confiance. Ce travail sur soi permanent permet de les améliorer tous deux et développer ainsi l'assertivité de nos, désormais fameux, "points de vue" exprimés durant nos "discussions pugilistiques".

"Makoto no Kokoro" : Calligraphie réalisée amicalement par Yolanda spécialement pour illustrer cet article.

"Makoto no Kokoro" : Calligraphie réalisée amicalement par Yolanda spécialement pour illustrer cet article.

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