L'arbitre de Kendô est un spectateur privilégié

Publié le par Jean-Pierre LABRU

Une occasion m'est donnée de mettre à l'honneur et de rendre hommage...

Une occasion m'est donnée de mettre à l'honneur et de rendre hommage...

Avertissement : ce texte ne vous apprendra pas à arbitrer, pour cela il existe des stages, des publication et des années d'expérience. Il s'agit dans l'esprit du blog d'un décryptage de certaines notions avancées et dans le but d'avancer sur la voie de l'amélioration continue.


Toujours bien placé, par sa disponibilité de corps et d'esprit que lui confère sa posture (Cf. un article précédent), ce spectateur n'est pas partisan, ce qu'il cherche c'est l'émotion d'un ippon.


Le Ippon : cette complétude technique convaincante qui enthousiasme et émeut le spectateur averti.


La principale différence entre un arbitre et un spectateur, c'est qu'un arbitre ne peut pas applaudir car il a un drapeau dans chaque main, alors il lève le rouge ou le blanc selon la couleur du combattant ayant généré l'émotion ressentie.

L'arbitre est un acteur du combat de Kendo car il est un spectateur qui "modifie la mesure". En effet, un peu comme dans la physique quantique et son photon baladeur, l'arbitre, par son action déterminée d'observation active va influer sur le combat. En fait, il interfère non pas sur le résultat du combat mais sur la capacité que les combattants vont avoir de s'en remettre aux arbitres pour juger leur Kendo. Et c'est seulement dans ces conditions que chaque combattant pourra livrer son meilleur Kendo.

En premier, l'arbitre en impose par sa posture, par sa prestance, sa façon de bouger, ou de ne pas bouger, et très tôt sur sa convaincante déclamation du hajime. Ainsi l'autorité de l'arbitre doit se diffuser aux deux autres membres du gumi d'arbitre, aux combattants ainsi qu'aux spectateurs.

Le positionnement de l'arbitre conditionne sa capacité à bien percevoir le combat et donc à correctement juger les actions. Mieux que le positionnement lui même, la rapidité à se positionner accumule le temps durant lequel l'arbitre est bien positionné. Effectivement, quand on est en mouvement notre perception est altérée par la position instable qui en résulte. La vitesse du déplacement de l'arbitre, elle même, peut perturber, selon les cas, l'appréciation des trajectoires de corps et de sabre des combattants ainsi que leur puissance.

Il convient donc de se positionner le plus rapidement possible afin d'être bien positionné, immobile, le plus souvent et le plus longtemps possible.

Nous voici donc, en tant qu'arbitre, devant une équation à résoudre : Comment être le plus souvent bien positionné, tout en se déplaçant le plus stablement du monde afin de tout de même juger le mieux possible les actions ayant lieu pendant qu'on se déplace ?

Un seul discriminant : l'anticipation !

Et pour anticiper, il faut tout simplement, le plus souvent possible, lire l'avenir.
Dépourvu de quelque boule de crystal ou autre pendule, l'arbitre, selon ce qu'il a appris et compris des combattants depuis leur arrivée sur le shiai-jo, doit, à chaque fois qu'il le peut, anticiper leurs mouvements et donc par effet miroir, son propre positionnement.

La lecture du combat nous permet d'anticiper les déplacements des combattants mais aussi, par une empathie "stèréo", comme si l'arbitre était l'un et l'autre des combattants en même temps, il est possible, et même très souhaitable, de ressentir les échanges, les rythmes, les menaces, les intentions des deux combattants.
L'arbitre fait ici appel à sa propre pratique, à son propre niveau de Kendo. Je dirai même que, par procuration, l'arbitre exerce même sa propre compétence de combattant. Il combat ainsi par procuration et par conséquent progresse dans son Kendô tout en arbitrant.

Dans ces conditions, la rapidité de prise de décision n'est plus un soucis bien au contraire. Le risque est même de lever à l'instant même de l'impact du shinaï ce qui n'est pas souhaitable.
Cette double empathie se doit d'être totalement intériorisée à tel point que rien ne doit bouger avant le lever de drapeau validant le point, après avoir pris le temps d'attendre suffisamment pour vérifier le zanshin.

En effet, un ippon étant presque suffisant, un wasa ari par exemple, ne doit faire trembler dans l'absolu aucun des 6 drapeaux.

Le vrai niveau d'un arbitre, selon moi, se mesure donc selon deux paramètres :
- le temps cumulé de son bon positionnement
- l'absence de mouvements parasites de ses drapeaux.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
R
Tout à fait en accord avec ça.
Répondre